Le présentéisme, ou quand le sens du devoir devient plus néfaste que bénéfique
Avez-vous déjà vécu cela ? Des employés se mettent en arrêt maladie, mais retournent ensuite rapidement au travail alors qu’ils ne sont pas encore complètement guéris. Très vite, ils retombent malades et doivent à nouveau s’absenter. Les personnes malades doivent prendre le temps nécessaire pour se reposer et se rétablir tout à fait. Pourtant, nombreux sont ceux qui continuent à travailler même lorsqu’ils ne se sentent pas bien ou sont malades. Ce phénomène est appelé « présentéisme », un comportement très répandu dans un grand nombre d’entreprises et de secteurs. Les employés s’imposent eux-mêmes une obligation de présence, même quand ils ne sont pas pleinement performants.
Comme le montre une étude récente menée par une compagnie d’assurance suisse en collaboration avec la Haute école spécialisée bernoise, 52 % des personnes interrogées pratiquent le présentéisme à des degrés divers. Voici les troubles lors desquels les employés continuent le plus souvent à travailler :
1. Maux de dos
2. Symptômes allergiques
3. Troubles psychosomatiques ou psychiques
4. Maladies bénignes
5. Infections contagieuses
6. Maladies respiratoires
7. Lésions de l’appareil locomoteur
Or, une personne qui est malade a des difficultés à se concentrer sur son travail et commet des erreurs. Cela nuit non seulement à la qualité des journées de travail, mais aussi aux performances. En outre, le présentéisme accroît les risques pour la sécurité, notamment dans les métiers impliquant un travail sur machine ou des activités dangereuses.
Le présentéisme peut même aggraver des troubles de santé déjà existants. À long terme, un repos insuffisant retarde la guérison et peut entraîner des maladies chroniques ou psychiques. Dans le pire des cas, il peut déboucher sur une incapacité de travail totale.
Les employés malades peuvent contaminer d’autres personnes au travail, ce qui conduit à des absences supplémentaires. Et dans les métiers au contact de la clientèle, par exemple dans les secteurs de la santé ou de la restauration, ils mettent même en péril la santé des patients ou des clients lorsqu’ils viennent au travail en dépit de leur maladie.
Ainsi, les entreprises voient leurs coûts augmenter non seulement en cas d’absences réelles, mais aussi lorsque, en raison du présentéisme, des employés sont moins productifs et/ou fournissent un travail de moindre qualité.
Selon Promotion Santé Suisse, les coûts engendrés par le présentéisme atteignent jusqu’à cinq milliards de francs par an en Suisse.
Les raisons du présentéisme
Le présentéisme est le fruit d’un processus de décision individuel influencé par un grand nombre de facteurs liés à la personnalité, au travail et à la société. Voici certaines des raisons les plus fréquemment évoquées :
Stress et contraintes de temps : les employés qui ont la sensation de toujours être pressés par le temps et/ou de devoir satisfaire des exigences strictes font souvent le choix d’aller au travail même s’ils sont malades.
Précarité de l’emploi : pendant les périodes incertaines sur le plan économique ou dans les secteurs où la concurrence est rude, de nombreux travailleurs se sentent contraints de prouver leur dévouement en étant présents, même lorsqu’ils sont malades.
Absence de solution de remplacement : au sein de petites équipes ou dans les activités spécialisées, il n’y a souvent personne qui puisse prendre le relais de la personne malade. Celle-ci a alors l’impression d’être indispensable et se sent forcée de continuer à travailler malgré sa maladie.
Culture d’entreprise : une culture d’entreprise qui idéalise la forte charge de travail et la disponibilité permanente peut favoriser le présentéisme. Les employés se sentent souvent obligés de faire acte de présence pour montrer leur engagement, et ce, même au détriment de leur santé.
Sens du devoir : un sens des responsabilités très développé en ce qui concerne le travail, l’équipe ou l’entreprise peut inciter des employés à se rendre au travail même en étant malades.
Manque de sensibilisation : les conséquences négatives d’une maladie sur la productivité et la santé des employés sont souvent sous-estimées. Nombreux sont ceux qui croient, à tort, qu’il vaut mieux être présents et en mauvaise santé qu’être absents.
Difficultés à poser des limites : certains traits de personnalité favorisent le présentéisme. Les personnes qui ont du mal à dire « Non », à poser des limites ou à prendre de la distance par rapport aux attentes sont particulièrement à risque. Lisez notre dernier livre blanc pour en apprendre plus à ce sujet.
Difficultés financières : l’absence de maintien du salaire ou la réduction trop importante du salaire en cas de maladie peut inciter les employés dans le besoin à se rendre au travail même malades.
Ce que vous pouvez faire en tant que’employé :
- Déléguez la responsabilité de votre travail et assumez la responsabilité de votre bien-être et de votre santé : il n’y a pas de honte à être malade !
- Adressez-vous à votre supérieur(e) hiérarchique, à une personne de confiance dans l’entreprise ou au service social d’entreprise externe si vous vous retrouvez submergé(e) par votre travail.
- Prêtez attention à vos collègues et parlez-leur s’ils travaillent alors qu’ils sont malades.
- Établissez des règles claires en matière de remplacement et communiquez-les de manière transparente au sein de l’équipe.
- Sensibilisez votre entourage et vos cadres à la question du présentéisme et à ses conséquences.
- Abstenez-vous de prendre des médicaments qui se contentent d’atténuer les symptômes ou accroissent vos performances. Ceux-ci peuvent retarder le processus de guérison et augmentent le risque de dépendance.
- Demandez-vous si votre choix d’aller au travail tout en étant malade met en danger vos collègues.
De plus, les cadres jouant un rôle de modèles, il est important qu’ils remettent en question leur propre attitude vis-à-vis de leur santé. En effet, quel employé se mettra en arrêt maladie si son supérieur hiérarchique continue à travailler malgré ses problèmes de santé ?
Ce que vous pouvez faire en tante qu’employeur :
Identifiez les personnes à risque : vérifiez si des employés travaillent alors qu’ils sont enrhumés ou fatigués, ou vérifiez à quelle fréquence des personnes viennent travailler malgré un arrêt maladie. Engagez un dialogue ouvert où vous abordez les questions du bien-être et de la charge de travail.
Sensibilisation et communication : présentez les conséquences du présentéisme et sensibilisez les cadres à l’importance de la santé et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. La réaction des cadres aux arrêts maladie joue un rôle décisif pour favoriser ou prévenir le présentéisme au sein de l’entreprise. Une communication ouverte contribue à créer un environnement où les employés se sentent suffisamment à l’aise pour parler de leurs problèmes de santé.
Gestion de la santé dans l’entreprise : une gestion efficace de la santé dans l’entreprise permet de sensibiliser les cadres et les employés aux risques du présentéisme. En outre, elle jette les bases de mesures et d’offres promouvant la santé au travail. Il s’agit notamment de mesures de prévention, telles que des ateliers consacrés à la gestion du stress, de règles claires en matière de remplacement et d’autres offres qui améliorent le bien-être et la santé du personnel.
Appréciation des employés : une culture d’entreprise qui soutient et met en valeur les employés est décisive pour réduire le présentéisme. Veillez à ce que les employés ne soient pas toujours obligés de faire leurs preuves, mais plutôt à les mettre en valeur, eux et leur travail, quelles que soient leurs performances.
Une culture de l’attention plutôt que de la présence : lors de réunions ou dans des e-mails ou circulaires, faites savoir que la santé et le bien-être sont plus importants que la présence physique. Insistez sur le fait que les employés peuvent prendre leurs responsabilités en ce qui concerne leurs limites et leur santé.
Le service social d’entreprise, véritable trait d’union
Dans le contexte du présentéisme, le service social d’entreprise pose toute une série de questions aidant à mieux comprendre cette thématique et à développer des solutions :
- Les employés sont-ils stimulés, pas surmenés ?
- Les employés bénéficient-ils de l’appréciation nécessaire ?
- Les employés sont-ils suffisamment sensibilisés à l’importance de leur propre santé ?
- Les attentes en termes de temps de présence et d’arrêts maladie sont-elles communiquées de manière claire et transparente ?
- L’entreprise démontre-t-elle activement l’importance du repos et de la sollicitude envers soi-même ?
- Comment la culture de l’entreprise aborde-t-elle la question du présentéisme ?
- Quelles mesures préventives sont prises pour aider les employés à identifier suffisamment tôt le surmenage ?
- Comment organiser le travail de façon à ce que les employés puissent travailler de manière flexible si nécessaire ?
- Des mesures ont-elles été prises pour réduire la stigmatisation associée aux absences pour cause de maladie et créer un cadre de travail favorable à la santé ?
Le service social d’entreprise joue un rôle clé dans la prévention et la réduction du présentéisme. Il informe les employés et les cadres des risques de ce comportement pour la santé et pour l’entreprise. De plus, il propose une assistance ciblée dans la prévention du surmenage et des burn-outs grâce à des conseils individuels sur des sujets comme la gestion du stress, les limites et l’équilibre vie professionnelle-vie privée. Identifier suffisamment tôt les employés à risque, notamment via des signaux d’alerte comme le surmenage ou l’épuisement, permet de les soulager à temps. Par ailleurs, le service social d’entreprise aide à développer des mesures durables, telles que des horaires de travail flexibles ou une communication claire sur les arrêts maladie, afin de réduire le présentéisme au sein de l’entreprise. De telles approches accroissent le bien-être des employés et, à long terme, améliorent aussi bien la productivité que l’ambiance de travail.